dimanche 8 janvier 2012

"Tu ne mourras plus demain" d’Anouar Benmalek: l’un des best-sellers de l’année 2011 (Bab edd'Art Magazine)

 "Tu ne mourras plus demain" d’Anouar Benmalek 
Un fervent hommage à la mère

 


Anouar Benmalek est né à Casablanca en 1956, de père algérien et de mère marocaine. Il est mathématicien de formation, il a été collaborateur à Algérie Actualité avant de s’exiler en France au début des années 1990. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages.


Le challenge de Bab edd’Art est de  vous faire aimer la culture et plus encore la littérature.

 Cette idée de départ qui paraissait pourtant simple, s’avérera être une mission des plus ardues, et pour cause, le large choix de livres qui sommeille dans les étagères des libraires !

  Afin de résoudre ce casse-tête, la jeune équipe de la librairie du Tiers monde, jamais à court d’idées, ni de bons romans, vole au secours et sélectionne pour nous le livre de la semaine.

 Ainsi, Le dernier ouvrage d’Anouar Benmalek, qualifié à ce jour comme l’un des best-sellers de l’année 2011, se retrouve à l’honneur sur Bab edd’Art.

 L’auteur, souvent taxé de désinvolte, connu pour son franc  parler  et sa virulence sans équivoque, montre dans son très inattendu  Tu ne mourras plus demain, paru  aux éditions Casbah, un aspect inédit de sa personne. Il se livre sans détour dans ce récit, en rendant un fervent hommage à sa mère décédée depuis peu des suites d’un cancer.

 On s’attend alors, à la mesure de la gravité du sujet, à des sentiments débités sans trop d’originalité dans le tragique, au lieu de cela, c’est une version inédite du deuil  qui nous prend à la gorge. Un mélange déroutant qui contraste avec l’écriture calme et sereine  de l’auteur.

Le récit traite d’une multitude de sujets, racontés sous formes d’anecdotes dans lesquelles la mère de l’auteur occupe une place centrale. Autour d’elle, gravitent des histoires de famille, d’amour, de racine et d’intégration,  symptomatiques d’une société en quête d’elle-même. Mais même si les sujets foisonnent, c’est la réflexion métaphysique qui fait partie intégrante du texte. L’auteur  insiste donc  sur l’absurdité qui caractérise la dualité entre la vie et la mort  et trouvera comme seule remède face à l’absurde, l’urgence de dire, ou mieux encore de montrer,  tout l’amour qu’on a pour ceux qui comptent dans nos vies. Et même dans le cas échéant, où il serait trop-tard, la déclaration d’amour reste de mise, avec des regrets, certes, mais de mise quand-même ; à travers le texte qui instaure un magnifique dialogue imaginaire entre le fils et sa mère.

 Mais nous ne pourrons nous empêcher de relever la présence d’un paradoxe dans ce récit. L’auteur qui condamne fermement l’intolérance - subie d’ailleurs par sa famille et lui du fait de leurs origines métissées- ne semble pas trouver légitime d’étendre cette condamnation au domaine de la croyance religieuse. En somme,  c’est un mépris, gênant par moment,  envers toute forme de culte religieux qui entachera la quête d’amour que l’auteur défend.

 « Mais au bout du compte je ne suis qu’un fils, le tien, et la stupéfaction de t’avoir perdu glace mon esprit .J’ai oublié que nous conversions et que le plaisir de la conversation n’est pas de convaincre, mais surtout d’entendre la voix de l’autre, celui qui vous rend l’insigne service de vous faire sentir plus vivant au monde par la grâce de sa simple présence.

 L’autre, ici, c’est toi, maman, à la  fois ma mère et mon amie. Et j’ai tellement envie de t’entendre. Le vertige me prend, à la limite de la nausée, de réaliser que cela ne sera plus réalisable, sinon au travers de ma pauvre imagination.

 Et puis te convaincre de quoi ?...Je ne puis m’adosser qu’à des incertitudes teintées de scepticisme, d’étonnement également, et même d’émerveillement quand la chance m’en est offerte »

 Au final, c’est une interprétation très personnelle de la vie que l’auteur nous propose à travers ce récit du deuil. Une lecture agréable dont on ne ressort pas tout à fait indemne du fait de la réflexion qu’elle suscite et de l’effort de partage qu’elle implique.

 Que de bons moments en perspective ! Parole de Bab edd’Artiste !

                                                                Megherbi Ménissa. (6 janvier 2006)

jeudi 5 janvier 2012

"Tu ne mourras plus demain" : Un récit de la douleur, un hymne à l’amour (Quotidien Marrakech,5 Janvier 2012)




Il y a de ces écrivains qui, à la lecture de leurs textes, vous vous sentez transportés vous ne savez vers où, comme à planer au dessus de tout et de tout le monde. Il y a de ces livres dont vous ne voulez pas arriver à la fin, tellement les mots sont forts, les sentiments criants et les émotions bien vivantes. Hélas, chaque histoire a une fin et après la vie, vient la mort.



nouar Benmalek fait partie de ces écrivains. Encore plus fort que tous ses ouvrages précédents dont chacun dévoile la sensibilité de l’homme et le talent de l’écrivain, son dernier livre, Tu ne mourras plus demain est un récit poignant fait d’une succession de sentiments où s’entrechoquent amour, colère, peine, douleur, souvenirs, regrets… où la vie et la mort font la paire.

"Tu ne mourras plus demain" dit tout l’amour d’un fils pour une mère partie trop tôt, laissant derrière elle, un vide, un creux, un gouffre, quelque chose qui vous donne ce goût amer d’abandon, cette sensation terrible de solitude. Oui, « Une seul être vous manque et tout est dépeuplé »

Anouar raconte toute la colère d’un homme qui voit les jours défiler, les mois passer, les années s’écouler, la vie partir, sans qu’on lui témoigne le respect qu’on lui doit. Un homme qui fait l’amer constat d’une société où les simples valeurs d’humanité n’existent presque pas.

L’écrivain décrit sa peine de voir une vie se terminer alors qu’il la croyait à peine commencée. Lui qui ambitionnait d’écrire et d’écrire encore pour faire plaisir à une maman, ravie de voir son rejeton grandir et devenir célèbre. Aujourd’hui, chère maman, le voilà qui écrit un roman pour dire tout l’amour qu’il a pour toi et qu’il pense ne pas l’avoir assez manifesté de ton vivant.

Benmalek conte les merveilleux moments passés en compagnie de sa défunte mère, à interroger sa mémoire, à ressasser le passé, et à faire revivre les souvenirs. A parler de ce père si aimant et pourtant si distant. De cette grand-mère si exceptionnelle et si pleine de vie. De cette famille ô combien complexe et parfois si compliquée…

C’est le récit de la douleur. Un cri venu des profondeurs pour éclairer un peu par sa douce blancheur, cet horizon où se répand encore une si grande noirceur… celle du cœur.

Samira Bendris le 5 Janvier 2012

"Tu ne mourras plus demain" et "Chroniques de l'Algérie amère": deux ouvrages à lire absolument (Le Soir d'Algérie).


«La vie est une ombre qui marche, un pauvre acteur qui se trémousse une heure en scène, puis qu’on cesse d’entendre», disait William Shakespeare. Et c’est ainsi que, adossé à sa mort depuis le premier vagissement, l’homme se mit à philosopher. Ou la mort comme génie inspirateur...
  (Le Soir d'Algérie, 26 décembre 2011)


Avec Tu ne mourras plus demain, le dernier livre de Anouar Benmalek, le lecteur pénètre brutalement au cœur même de la tragédie humaine parce qu’il a connu la mort et, par-delà la mort, le narrateur commet ici une œuvre très personnelle. Un récit où il rend hommage aux siens, ceux les plus chers, en particulier cette maman dont la perte est la plus violente douleur pour un homme. Cruel destin qui accable l’exilé enfin rentré dans son pays. Tout un monde familier s’écroule. Miraculeusement, il s’est accroché à sa seule bouée de sauvetage : la reconnaissance de tous les siens pour continuer. L’orphelin raconte alors cette autre vie, son autre vie. Il dit le passé pour espérer vivre demain. Le temps est compté, il faut écrire en toute hâte. Dans cette course contre la montre, les mots tendres pleurent d’amertume et de regrets.

Forcément, l’angoisse de l’absence, du vide, est révélatrice de l’existence elle-même. D’où la réflexion sur la vie et la mort. Ah ! tout cela est d’une complexité... Anouar Benmalek démêle l’écheveau (le drame de ces personnages parfaitement humains, parce que complexes) par la littérature. Du moins, seule l’écriture peut apporter quelques réponses aux questions de l’écrivain et l’aider à panser ses blessures. Maigre consolation ? Certes, oui, mais cette lettre à la chère disparue est un sprint gagné sur l’abattement et le profond désarroi du début. La preuve d’amour qui apporte la délivrance et le repos de l’âme. Surtout, les mots du cœur exorcisent et libèrent l’énergie créatrice.

A ce moment critique du parcours, Tu ne mourras plus demain est une victoire sur la folie et la déraison. Ce beau livre témoigne du difficile combat de l’auteur contre les forces obscures qui l’habitaient. Son territoire enfin reconquis, il pourra désormais travailler jusqu’à épuisement. Pour le plus grand bonheur des lecteurs qui, déjà, sont invités à dévorer son dernier ouvrage. Ici, l’émotion est au rendez- vous et chaque page frémit d’une vive sensibilité. Parce que, tout simplement, la maman disparue est au centre du récit, l’amour filial et la tendresse y occupent la première place.

«Un amour que je ne lui ai pas assez manifesté», regrette Anouar Benmalek. On le comprend, il est comme tous les fils à qui la société algérienne dicte une certaine pudeur des sentiments envers leur mère. La mort de la maman dans des conditions terribles (elle a souffert le martyre dans un hôpital) est vécue par l’auteur comme un déchirement atroce, un véritable séisme. Le livre s’ouvre sur cette tragédie pour, ensuite, raconter l’histoire de la mère et de la saga familiale. Le tableau ainsi peint est riche de séquences mémorielles, d’événements, de personnages qui viennent mettre en lumière la prégnance de la figure maternelle.

En même temps, cela permet de mieux connaître (et comprendre) Anouar Benmalek lui-même et ce singulier destin, aussi complexe que son propre pays. Comme la mère, il est lui aussi un carrefour d’influences et un cocktail de cultures. Tu ne mourras plus demain (et c’est tout le talent de l’écrivain) se décline alors comme une fresque où s’entrecroisent, parfois s’entrechoquent des destins individuels avec, en toile de fond, l’histoire de l’Algérie et de ses rendez-vous ratés, ses attentes et ses aliénations. Parmi les sources d’aliénation qui empêchent la société algérienne d’aller résolument de l’avant, la désintégration opérée par le système colonial et, par la suite, le renforcement du pouvoir patriarcal par la caste postindépendance. De ce point de vue, le livre est aussi un témoignage sur les errements de l’histoire contemporaine de l’Algérie, telle qu'illustrée par les personnages aux multiples facettes qui peuplent le récit.

L’écrivain «irrévérencieux» vient de publier, chez le même éditeur (Casbah éditions), un autre ouvrage consacré aux rendez-vous manqués : Chroniques de l’Algérie amère. Algérie 1985-2011 (472 pages, 850 DA). Cette édition revue et complétée d’un précédent livre rassemble des écrits journalistiques où le style net et tranchant comme un scalpel opère habilement sur un patient dénommé Algérie. Une mise à nu des fables, des mythes et des illusions qui empêchent l’épanouissement du peuple algérien et paralysent sa créativité. Deux ouvrages à lire absolument.
Hocine T.


Anouar Benmalek, Tu ne mourras plus demain, Casbah éditions, septembre 2011, 182 pages, 600 DA