mardi 22 novembre 2011

"Un livre déchirant comme l’est la disparition d’un être cher" (La Nouvelle République, 4 oct 2011)



Avec Tu ne mourras plus demain, paru, il y a peu, chez Casbah Éditions et Fayard, Anouar Benmalek signe un ouvrage très intimiste où il revient sur la souffrance dans laquelle il s’est retrouvé plongé au lendemain du décès de sa chère maman.


 Lettre à l’absente, exorcisme de la douleur, catharsis, peu importe le nom que nous pouvons lui donner. Le fait est qu’au lieu du livre sur sa généalogie qu’il comptait écrire, Anouar Benmalek s’est retrouvé -un peu malgré lui-, dans un autre projet d’écriture, celui où il ouvre la boîte de Pandore pour revivre, le temps d’un souvenir, dans la chaleur de cet amour maternel, à jamais perdu. Admise dans un hôpital de la capitale pendant plusieurs jours, la maman d’Anouar Benmalek a succombé des suites d’une longue maladie. En dépit du mal qui la rongeait et des intenses souffrances endurées au quotidien, ses enfants caressaient l’espoir de la voir guérir. Mais c’était compter sans ce terrible destin qui prive des enfants de leur maman. Du coup, sa perte les a laissés perdus.

«D’un seul coup, dans une grande explosion de souffrance, tu es morte. Aussi simplement que ça. Et là, tu vas rire maman. Je me suis retrouvé, nous nous sommes retrouvés, toute la fratrie, dont le plus jeune approchait la cinquantaine, comme une volée de poussins éberlués au bord d’un gouffre. Un gouffre, inévitable certes mais fichtrement bien réel puisque tu venais justement d’y tomber», écrit-il dans les premières pages. Anouar qui se trouvait à l’étranger arrivera trop tard. «Pardon, maman, je n’étais pas là quand tu as rendu ton dernier souffle», dit-il encore.
Anouar Benmalek, accablé par le chagrin, laissera alors libre cours à ses émotions, se dévoilant sans fausse pudeur. Des excuses, des regrets, des questionnements, des espoirs. Ce livre traduira tout ceci à la fois.
Née au Maroc d’une mère trapéziste d’origine suisse et d’un père moitié marocain, moitié mauritanien, la mère de l’auteur connaît une enfance difficile. Après la séparation de ses parents, elle et son frère sont confiés à la garde de leur mère. Cette dernière tente, tant bien que mal de les élever mais la misère ne tarde pas à poindre le bout de son nez. Aussi, c’est la mort dans l’âme que cette Suissesse envoie ses enfants vivre chez leur père, remarié. La fille sera privée de tout, y compris d’instruction. Confinée dans un rôle de bonne à tout faire, elle ne connaîtra rien d’autre que les quatre murs de la maison, jusqu’à l’âge de 20 ans. Age où elle sera demandée en mariage par un jeune homme, de quinze ans son aîné mais dont elle était secrètement tombée amoureuse. «Tu apprendras plus tard que celui qui te courtisait ainsi muettement était acteur de théâtre par passion et instituteur par nécessité, pas très grassement payé, bien entendu». Cinq enfants naîtront -au Maroc- de cette union. Anouar raconte l’enfance, l’école au Maroc, les sorties familiales, les punitions paternelles et plein d’autres souvenirs avec beaucoup de nostalgie et parfois même une note d’humour. dans son monde.

D’histoires en confidences, d’anecdotes en aveux, il partage avec nous les émotions les plus intimes, comme cet accident domestique qui aura coûté la vie à son père, dans les années 1980. Un départ prématuré qui l’aura empêché d’avoir une «ultime conversation orageuse et réconciliatrice entre un père et son fils». Certes, ils n’étaient pas fâchés mais il aurait aimé que le destin lui accorde une petite heure pour avoir enfin cette conversation dont son père l’a privé de son vivant. Plus qu’un cri de douleur, Tu ne mourras plus demain, c’est le fil illusoire qui rattache un fils au souvenir de sa mère, par delà la mort.

Un livre déchirant comme l’est la disparition d’un être cher. A lire absolument !

Hassina A.

Anouar Benmalek, Tu ne mourras plus demain, éd. Casbah, Alger 2011, 179 pages.

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